Créer son monde: parcourir, explorer, plonger, planer, découvrir, étendre ses connaissances sensorielles, tester, examiner, prospecter, étudier par les sens, jouer, expérimenter, modeler, moduler, inventer, augmenter, expanser…
Victoria Siemer – Geometric Reflections
Quelques extraits d’articles ci-dessous vous permettront de vous faire une idée de l’incroyable création de votre conception du monde, des mondes, de votre monde… par l’hypnose.
IMAGINAL
Depuis le début de l’humanité, des humains se mettent en condition de diverses manière impliquant la transe, pour recevoir des présages, pour se mettre en lien avec la nature, pour deviner le bon choix… en orientant l’attention vers le ressenti intérieur, en suspendant les facultés volontaires.
Ainsi, en focalisant sur les sensations, l’humain peut obtenir un grossissement de ce qui le parcourt en état de veille ordinaire sans être détecté.
Pour permettre l’apparition de ce monde intérieur, la « conscience » (attention portée à des éléments habituels, volonté…) est limitée. Personnellement, je ne travaille pas en « perte de conscience » car je préfère les séances où une partie de la personne a conscience d’être en séance, observe ce qui se passe sans juger, accueille les informations délivrées, pose ses choix, reste vigilante, me parle… côtoie une autre partie qui explore son pays intérieur, comme dans un rêve. Ce double état ressemble d’ailleurs à celui du rêveur lucide.
Dans ce monde, que nous nommons en hypnologie « imaginal », des images multisensorielles (ce que j’entends, vois, ressens, sens, goûte, etc) se déploient, engendrant des émotions et des compréhensions profondes (différentes des compréhensions intellectuelles). L’approche se fait donc par la présence au corps. Au présent.
Les fantasmes sont relatif au désir, au plaisir, à l’émotion et surtout à l’imaginaire. Comme dans le dessin de Mirka Lugosi qui illustre cet article, dans un rêve, tout est possible car aucune limite de « faisabilité » (ni dans le réel, ni dans une réalisation cinématographique) n’entrave le récit. Les personnages peuvent n’être qu’énergie sans corps, se transformer, vivre l’ubiquité, être purs concepts ou habitants d’un lieu qui n’existe que dans une tête. La communication peut passer par d’innombrables canaux… Tout est à inventer! Après, il ne reste plus qu’à traduire le voyage en mots, avec autant d’hésitation, de poésie, de trouble, voire d’incohérence qu’il sera nécessaire.
ETUDES SUR LES GENRES
Lorsque l’on parle de représentation, de croyance, de capacité, de comportement, de construction d’identité, alors l’hypnose a ses raisons d’intervenir, par le recadrage, l’exploration par le rêve éveillé, le changement comme solution, l’anticipation d’un changement, la transformation d’habitudes devenues obsolètes et gênantes…
Au point de vue de l’exploration, découvrir ses sous-personnalités ou ses représentations symboliques (régression après naissance ou dans les vies antérieures, progression, symbolique corporelle, comportement animal…) sans les coincer dans des clichés et attentes étroits permet davantage de possibles. Apprivoiser son être sans a priori genré ouvre la liberté.
SYNESTHESIE
Un exemple de mes recherches sur les sons spontanés et leurs correspondances synesthésiques a été présenté dans « Acoustique de l’Erotisme », une création radiophonique de Franck Thoraval sur France Culture, à laquelle j’ai participé. Elle est disponible en ligne ici
Et un article ici
ECOUTE MUSICALE
La dernière fois que je me suis laissée aller à une écoute de l’oeuvre d’Eliane Radigue, plusieurs heures d’affilée, en autohypnose, j’ai atteint cet état incroyable d’impression de faire partie du grand tout, cet état de sérénité parfaite, si précieux. Mais étrangement, ce n’était pas cette fois sous la forme de mollécules d’eau parmi les mollécules d’eau (mon « corps » dilué dans tout ce qui contient de l’H2O), existant indistinctement en mollécules entremêlées, mais sous la forme de grains de sables d’une colline ronronnante, un puma de sable immense. Comme d’autres musiques de transe minimalistes, la musique d’Eliane Radigue peut mener à cet état d’ici et maintenant, en harmonie, en paix, en lien avec le monde. Un des états de bonheur qui vaut bien de s’exercer un peu.
CYBER
Lorsque j’ai connu Yann Minh et qu’il m’a expliqué ce qu’il vivait à travers ses avatars, dans les mondes parallèles (avec ou sans oculus rift), j’ai immédiatement su qu’il faisait partie de cette petite partie de la population qui utilise spontanément et analyse finement des techniques hypnotiques (chère dissociation!), sans pourtant connaître la théorie de l’hypnose. Incroyable de précision et d’efficacité !
De façon générale, les parallèles entre les avatars des cybermondes et les sous-personnalités des théories étudiées en hypnologie sont évidentes.
ART CONTEMPORAIN
Je relève aussi, si je prends l’exemple d’une exposition dans une institution importante (qui accueille entre autres le grand public), que le simple fait de de m’observer (ou de nous observer lorsque je pratique sur quelqu’un) en transe douce, face à l’intérieur d’une coupole d’Anish Kapoor, à un grand tableau bleu d’Yves Klein, au flou d’un Richter, à un mobile de Calder… non seulement pose question (discrètement, sans passage à l’acte), mais aussi permet à certains d’approcher l’oeuvre autrement, d’une façon qu’ils n’auraient sans doute pas envisagée sans la permission que leur donne le fait d’observer la façon de faire de quelqu’un qui a l’air à l’aise, ce faisant. Lorsque je m’éloigne, je remarque souvent qu’une personne s’est placée exactement à la place que je quitte, « pour voir ».
Car il y a à voir, dans l’œuvre bien sûr mais aussi hors d’elle, à l’intérieur de soi, avec le monde comme miroir.
EXPLORER UNE OEUVRE
Explorer une oeuvre d’art sous hypnose est également une expérience singulière… à
NATURE
L’état d’hypnose permet d’accéder à une perception de la nature élargie, par une forme de sensorialité accrue, une compréhension profonde de l’environnement, un développement de l’intuition, une ouverture des réminiscences et des résonances, un éveil, …
CREATIVITE QUOTIDIENNE
L’hypnose stimule la créativité et nous permet d’apprendre à nous en servir pour modeler un rapport au réel satisfaisant nos besoins et désirs profonds.
Elle est aussi un outil de création artistique, comme si l’art était « augmenté » par l’hypnose (l’expression est de Catherine Contour et fait référence à la réalité augmentée par superposition d’un modèle virtuel).
Dans la vie courante, les créatifs inventent des concepts, des machines, des histoires, des façons de traverser la ville, de s’habiller, de communiquer, d’être avec l’autre, de gérer le temps, d’accorder des aliments, de se jouer des vicissitudes… car la créativité est un état d’esprit : à chaque fois que nous prenons du recul par rapport à nos croyances, nos habitudes, nos conventions, nos réflexes, que nous ruons dans les brancards du conformisme et que nous faisons une proposition positive de dépassement de la routine, nous enclenchons un processus créateur.
Pour terminer, voici quelques exemples de séances, au hasard de ma mémoire :
- Développer l’écoute synesthésique des sons (un son devient des couleurs ou des sensations kinesthésiques), avec ou sans mouvement spontané, en groupes échangeant des sons spontanés ou carrément en concert.
- Suivre le fil d’un son électroacoustique à travers un rêve éveillé
- Permettre à son inconscient d’écrire une lettre que l’on recevra dans quelques mois par la poste, en ignorant son contenu car la main a écrit sans conscience
- Se rencontrer très vieux, se demander des conseils de sagesse et d’expérience
- Se créer une intimité sécurisante, comme le noyau d’une amande, avant de germer pour s’ouvrir vers la lumière et offrir son feuillage, ses fleurs, ses fruits. Conserver la possibilité de ces différents états par ancrage (noyaux sécurisant, fente qui laisse passer la lumière, germe qui file au soleil, arbre qui offre son tronc, ses branches, ses feuilles, fleurs, fruits).
- Transférer le pouvoir sexuel d’une main à une autre (le bras-bite lesbien droitier ou gaucher s’inverse) le temps de la réparation d’une épaule abimée
- Transférer la sensation érotique à un endroit inédit et explorer l’orgasme du coude jusqu’à s’y connecter facilement (ludique et libérateur)
- Déplacer les zones de plaisir et transformer les stimuli qui agissent sur la sensualité, jusqu’à la jouissance (ou pas) grâce au souffle, aux changements de lumière, aux sons…
- Pour une transition M>F ou F>M, futuriser et explorer un changement de sexe de façon à apprivoiser cette transition physique et psychique
- Pour tous, expérimenter la sensation d’être dans un corps féminin ou masculin de façon à comprendre de l’intérieur ce que l’autre peut ressentir (et découvrir son côté queer)
- Retrouver l’insouciance joyeuse de l’enfant que l’on a en nous en lui rendant visite à différents âges (en régression) et jouer, chanter, rêver en lui
- Remplir un espace ressenti comme vide avec de l’énergie vitale et la faire monter jusqu’à la sensation de pétillement joyeux, vivifiant.
- Recharger un shakra, grâce aux sollicitations des nerfs par la fraise du dentiste (demander à « Mon autre » de transférer chaque impulsion désagréable dans la bouche en recharge énergétique dans ce que la représentation place au niveau du 1er shakra par exemple)
- Visiter l’alignement de sa vie grâce à la futurisation et ajuster mes axes en fonction de ce sur quoi leur orientation peut déboucher (ou se dire que tout va bien et se sentir aligné)
- Etablir une autre communication, plus confortable, avec son symptôme (qui n’est plus obligé de « gueuler de douleur ou de gêne » pour se faire entendre). Le regarder, s’y connecter, lui faire ressentir la complicité et l’amour. Lui donner envie de communiquer autrement, écouter ce qu’il à transmettre comme information.
- S’ouvrir de tous ses pores à une relation amoureuse ou amicale, malgré un vécu qui a mis en place des comportements de sécurité
- Chercher de la douceur, de la force, de la surprise, une vibration… dans une vie antérieure et découvrir une version à mille lieux de ce que l’on aurait pu imaginer
- Comprendre un schéma relationnel, le visiter de l’intérieur
- Se plonger entièrement dans un état désiré (légèreté, souffle, joie, sérénité, plaisir, flottement, hilarité…) et l’ancrer pour l’avoir à disposition au quotidien (par exemple: ancrer un geste de calme qui apaise instantanément en cas de crise)
- Ancrer un mot ou un geste d’amplification qui amplifie et réduit les sensations (comme un potentiomètre de 0 à 12 )
- Jouer avec un acouphène pour apprendre à le faire disparaitre en modulant le volume ou le timbre (à partir d’une certaine fréquence, je ne l’entends-plus même s’il est toujours là), mais aussi le faire venir à la demande si j’ai besoin d’un fil-focus pour me centrer. En faire un outil d’exploration.
- Profiter de transpirer pour évacuer les déchets spirituels et émotionnels et autres encombrements (bain, sauna, comme une hutte de sudation hypnotique: le feu entraine l’eau) et en vivre le rêve
- Se servir des situations inconfortables (gynéco, visite, réunion…), pour apprendre, évoluer, emmagasiner de l’énergie… en instaurant une conversion (comme pour le dentiste) ou en testant des ancrages (comme la sérénité face à l’administration)
- Favoriser les rêves nocturnes ouvrants (ce que le travail nocturne peut accomplir à la demande est magique!)
- Favoriser les rêves lucides
- Explorer en rêve éveillé l’espace de son sexe (pour établir une connexion plus agréable, créative, joyeuse avec lui), le vol plané prolongé, le meilleur souvenir sensoriel, une situation fantasmée, un souvenir réconfortant (pour moi: l’étreinte de ma grand-mère) et y puiser des ressources à ramener dans l’ici et maintenant
- Laisser la main écrire spontanément une réponse inconsciente à une question
- Etablir une communication facile avec « Mon autre » et les sous-personnalités spécifiques, apprendre à les connaitre
- Laisser les pas guider une promenade et profiter d’un rêve éveillé en balade pour explorer l’intérieur par l’extérieur (en tant que sujet, je suis alors dans un état entre Oculus Rift et psychotrope, sans aucun autre addictif que l’hypnose)
- Entendre la musique d’un paysage, voir la couleur d’une voix, la consistance d’une odeur…
- Etc.
Il suffit d’oser.
© Marie Lisel