Ce texte est « le récit romancé de la première séance » d’un.e client.e adepte des voyages intérieurs. Merci pour la permission de partage et bravo pour ce beau texte!
Son blog est ici: Noscobates Aurotenia | Baragouinages hétéroclites
« Une petite étincelle s’éveille dans mes entrailles. Jaune, brillante, elle crépite d’envie et d’excitation. Elle, c’est ma curiosité, maladive et avide de sensation forte. C’est celle qui veut découvrir, ressentir, expérimenter bref, vivre. Et vivre avec une intensité démesurée ! Elle n’a pas vraiment de considération pour moi ou pour ma santé. Ni pour mes proches d’ailleurs. Mais elle n’est pas malveillante pour autant ! C’est juste une enfant naïve, pure, inconsciente voire irresponsable, mais jamais mauvaise. Quelque part, c’est ma force vitale, celle qui m’anime et me fait me lever le matin. Simplement, c’est à moi de prendre soin d’elle, de l’entendre, la comprendre, la raisonner parfois. Mais son objectif coïncide parfaitement avec le mien. Alors étincelle, suis-moi, un étrange et intense voyage nous attends…
Les phosphènes dans mes yeux se font plus intenses. Des cercles concentriques qui se referment au centre de ma non-vision. Je me concentre dessus, et soudain, tout apparait.
Je suis dans un couloir fade et sans grand intérêt. Devant moi, se dresse une porte en bois ouvragé, surmontée d’une poignée en métal dorée qui jure avec le terne des murs. J’ouvre la porte, traverse son encadrure, et me voila dans le vide de l’espace.
Je vois des étoiles au loin, quelques nuages spatiaux d’un rouge vif. Est-ce que je peux bouger ? Oui, je vole,en haut, en bas, comme bon me chante. En me déplaçant, je note que les étoiles et les nuages semblent particulièrement étrange, comme si je n’étais pas dans le vide de l’espace,mais à l’intérieur d’une bulle dont les parois seraient peintes pour en faire comme une illusion. Je cherche du regard un point particulier dans cet environnement étonnamment familier, et je repère une étoile plus brillante que les autres au loin. Je m’en approche, et alors que ma vision s’éloigne de mon corps et prend de la hauteur, je confirme que je suis bien dans une grande bulle. De l’autre côté de la paroi, derrière l’étoile, est présent un genre de bâtiment blanc. j’arrive à apercevoir vaguement le plan de ce bâtiment, comme s’il n’avait pas de plafond.
Je me reconcentre sur mon corps, et sur cette petite étoile. Je lui offre humblement mon vœu le plus cher, et celle-ci grossit pour s’ouvrir comme un portail, que je traverse pour arriver dans le couloir blanc immaculé du bâtiment que j’ai pu voir plus tôt.
Une fois dans ce nouveau lieu, je regarde de chaque côté pour y choisir ma prochaine destination. A gauche, le couloir blanc tourne pour arriver vers ce qu’il ma semblé plus tôt être une salle d’hôpital. Le blanc et la propreté de ces locaux sont beaucoup plus rassurant que ce que je peux apercevoir à droite : le couloir s’assombrit, se ternit, et semble se transformer en couloir froid et laid. Les murs et le sol passent d’un blanc impeccable et sans aspérité à des pierres brutes irrégulières, couvertes ça et là de mousse. L’obscurité s’y fait grandissante. Je me sens bien plus à l’aise à l’idée d’aller à gauche, mais je sais que je dois aller à droite. Plus question de se voiler la face. J’avance donc vers le côté obscur du couloir, et son aspect cryptique devient de plus en plus inquiétant.
Au bout du couloir, un escalier en colimaçon descend dans une obscurité encore plus angoissante. Sur la gauche, une rambarde de métal complètement rouillé suit la pente irrégulière des marches sales et humide.
Une fois en bas de l’escalier, je me retrouve face à une salle particulièrement effrayante. Le peu de lumière que je perçoit vient de l’escalier que je viens de descendre. Mon étincelle est toujours avec moi, mais ne parvient pas à éclairer la salle qui, elle, est tellement sombre qu’elle semble être remplie d’un liquide noir du sol au plafond. Pas question d’avancer la dedans. Je m’improvise Moïse et fend l’ombre de la salle en deux d’un coup de main, et la lumière dresse un passage jusqu’à l’autre extrémité de la salle. De chaque côté de ce couloir improvisé, je sens les ombres bouger, et se déplacer. En m’avançant un peu j’arrive à percevoir leur yeux rouges me regarder. Plusieurs d’entre elles m’attaquent, essaient de m’agripper, de me griffer, je sens leur haine et leur colère, et je m’immobilise au milieu de la salle, comme pétrifié de peur. Dans un élan d’apaisement, je brave mon inquiétude pour venir apposer mes mains sur le mur d’ombre à ma droite, puis à ma gauche. A chaque fois, je leur offre mon vœu le plus cher, et la plupart d’entre-elles se calment. Seules trois d’entre-elles continuent de m’attaquer. Je vais en voir une, et lui demande ce que je peux faire pour elle, ce qu’elle veut.
“Te tuer ! Te faire souffrir !”
Je comprends qu’elles ne sont pas douées de raison. Ces ombres sont une manifestation sans conscience de mes pulsions de mort. Je leur promet que je ferais mon possible pour les aider, et elles se calment et partent se renfermer dans un coin de la pièce. Dans leur regard rouge sang, l’espoir a remplacé la haine. Je calme mon inquiétude, et continue mon chemin. Après cette salle, un couloir tourne vers la gauche, et s’enfonce au loin dans le noir. Sur la droite, je vois trois autres couloirs. Sans vraiment savoir pourquoi, je comprends la configuration du lieu. Je dois emprunter chaque couloir de droite, l’un après l’autre, pour une certaine épreuve avant de finalement continuer dans le noir du couloir principal, comme un rite initiatique issu de mon inconscient.
J’avance et m’engage donc dans le premier couloir. Dans celui-ci, une vieille porte en bois sur la droite, puis un peu plus loin le couloir tourne juste derrière la pièce. J’ouvre la porte ne sachant pas vraiment à quoi m’attendre. Je me retrouve dans une cellule crasseuse dans laquelle ne se trouve qu’un sommier à moitié pourris sans matelas. Dans un coin, un cadavre est recroquevillé en position fœtale. C’est un homme relativement âgé, dont les quelques cheveux longs ne cachent pas la calvitie avancée. Son corps est complètement nécrosé, dans des teintes de vert et de noir, et son torse est à moitié rongé par les vers, si bien qu’on aperçoit distinctement ses côtes. Je comprends qu’il ne s’agit pas d’un cadavre lorsqu’il se lève et s’approche vers moi. Je suis relativement inquiet, mais parviens quand même à lui demander ce que je peux faire pour lui.
“Manger ! Te manger toi !”
Bien décidé à corriger le malsain de mon inconscient, je décide de lui donner mon bras gauche. Il le dévore avidement, en croquant jusqu’à l’os. Il me regarde d’un air affamé, et je lui donne finalement le reste de mon bras, sans trop savoir si c’est une bonne idée. Il l’avale d’une traite et, fort heureux de cette mise en bouche, se jette sur moi pour me dévorer. Entièrement.
Je me réveille à nouveau hors de cet univers onirique. J’aperçois au loin la bulle-espace, et le bâtiment blanc qui y est accolé. Je repars de l’étoile que j’avais repéré, et retourne ou j’en étais. Les escaliers lugubres, la salle pleine d’ombres, qui ont l’air particulièrement excitée, mais qui ne me frôlent même pas et me laisse passer dans le chemin éclairé que j’avais ouvert plus tôt. Je continue, tourne dans le premier couloir. La porte de la cellule est fermée. Je continue un peu plus loin, et le premier couloir tourne puis s’arrête brutalement sur un cul de sac. Devant le mur qui me fait face, un lavabo blanc immaculé, qui jure avec la crasse humide des locaux. Un verre est posé sur son côté. Sans trop savoir pourquoi ce geste me parait évident, je remplit le verre d’eau, et je fais demi-tour. Je rouvre la porte de la cellule, dans laquelle le vieil homme-zombie se trouve à présent assit sur le lit. Je lui donne le verre d’eau, qu’il boit avidement, et il s’allonge, visiblement beaucoup plus serein qu’auparavant. Je reste quelques secondes observer la peau de son dos, qui reprend par endroit une couleur chair, comme si son repas l’avait régénéré. Finalement je le laisse dormir, et reviens sur mes pas pour passer dans le deuxième couloir.
Deux salles sur la gauche. Dans la première, du mobilier en bois moisis, et un grand miroir sur le mur de gauche. Lorsque je regarde dedans, je vois mon reflet, et juste derrière un mur noir d’ombres similaire à la première salle de cet étage. Je n’ai pas vu ces ombres en arrivant, et je me retourne en sursaut face au mur noir. Sa surface ondule calmement, comme la surface d’un liquide huileux qui tiendrait miraculeusement à la verticale.
“Y a-t-il une ressource ici pour m’aider ?”
A mon appel, un petit diablotin grassouillet sort du haut du mur et retombe sur le sol de la salle. Dès le premier regard il ne m’inspire pas confiance.
“Je suis une ressource moi ! Je peux t’aider, suis moi !”
Je le suis, méfiant. Il a un air narquois, un visage sur lequel on ne peut pas ne pas voir sa malignité. Il n’emmène dans la deuxième salle du couloir, complètement vide à l’exception d’un trou carré dans le sol.
“Tu dois descendre ici !”
Je jette un regard dans le trou. Une échelle descend dans les profondeurs, mais je ne distingue rien du bas de l’échelle. Circonspect, je fais appel à mon intuition pour m’aider. Elle se matérialise sous la forme d’une petite sphère lumineuse surmontée de deux paires d’ailes de libellules. Elle confirme mes doutes sur le bienfondé des conseils du diablotin en n’emmenant en dehors de cette salle. Je la suis jusqu’au troisième couloir.
Dans celui-ci, trois salles, sur la gauche. Les portes en bois sont surmontée d’une petite lucarne à barreaux, de telle sorte que je peux voir l’intérieur des salles sans avoir à ouvrir les portes. Dans la première, une salle avec quelques jouets d’enfants : un ballon, un cheval à bascule, un tapis de jeu sur lequel repose quelques babioles diverses. Dans la deuxième, je ne vois rien : elle est remplie de ces mêmes ombres que j’ai déjà vu plusieurs fois. La troisième enfin, est une copie conforme de la salle que j’ai vu plus tôt avec le trou en son centre. Mon intuition me pousse à ouvrir la deuxième porte
J’ouvre la porte, et tranche les ombres comme je l’ai fait plus tôt. Aucune agressivités chez celles-ci cette fois. J’aperçois au fond de la cellule un autre lavabo immaculé. Je m’interroge sur ces symboles qui se répètent dans mon périple, et m’approche du lavabo. Mon intuition plonge par l’évacuation d’eau. Je me sers un verre d’eau, le bois et je m’apprête à la suivre. Au moment de reposer le verre, je vois une petite pièce en or dedans. Un visage sur le côté face, mais rien de particulier. Je la met dans ma poche, et plonge dans le lavabo.
Le décors change brusquement.
Je suis assis sur un banc, à l’air libre, dans un parc dans lequel de nombreux enfants jouent. Je ne vois aucun adulte aux environs, par contre je me vois moi, très jeune, courir et me passer devant. Il me remarque et s’arrête, intrigué. Il a l’air si jeune que je me dit qu’il ne peut sans doute pas parler.
“Si je peux parler !”
Et aussi lire dans les pensées j’ai l’impression ! Je m’accroupis pour être au niveau du petit Choupinne, et lui demande si je peux faire quelque chose pour lui. Il semble vouloir me montrer quelque chose, me prends par la main, et m’emmène en dehors du parc.
Il court sur quelques dizaines de mètres, rentre dans une boutiques, et m’emmène dans l’arrière salle, dans laquelle des étagères sont remplies de breloques et bibelot en tout genre. Il s’agit sans aucun doute d’une boutique d’antiquité. Je ne peux m’empêcher de penser à la boutique dans laquelle Billy récupère Gizmo le Mogwaï. Mini-Choupinne me demande de m’asseoir par terre, et de fermer les yeux. Je m’exécute tout en riant intérieurement du fait que je suis malgré tout parfaitement capable de le voir, car je perçois la scène de haut. Il enfile un masque de monstre, me demande d’ouvrir les yeux et se jette sur mois pour me faire peur. Son effet tombe complètement à l’eau, mais il rit de bon cœur. Je lui demande s’il veut me dire quelque chose avant que je m’en aille.
“Tu as fais des grosses bêtises” me dit-il avec un air désolé.
“Oui c’est vrai, mais j’ai aussi fait des choses super ! Et puis, les grosses bêtises, c’est aussi comme ça qu’on apprends, des fois, c’est important d’en faire !”
Je me sens tellement désolé pour les choses qu’il aura à vivre plus tard que les larmes me viennent. Je lui donne la pièce que j’ai retrouvé plus tôt, et son visage s’illumine de bonheur. Il court la montrer à sa mère, et je reste là, fatigué, son masque dans les mains. Ce voyage commence à devenir vraiment éprouvant… Je décide de m’en aller.
Chamboulement. Tout mon univers implose, se déforme, disparait, réapparait, change de couleurs, de formes, dans un méli-mélo cacophonique et incompréhensible. Je reste quelques secondes contempler ce chaos, puis, tout revient dans l’ordre.
Je suis le vieillard de la cellule. C’était moi qui était aussi affamé et décomposé. Mon étincelle est toujours là. Un peu perdu par ce que cette nouvelle situation veut dire, je demande quelques derniers conseils à mon étincelles avant de pouvoir enfin me réveiller. Elle me dit que je dois être bienveillant avec moi, et ne pas oublier de me nourrir. Me nourrir d’évènements, de rencontres, de passions éphémères, et d’autres choses qui me feront sortir de mon cercle de confort. C’est comme ça que je pourrais concilier mes attentes avec les siennes.
J’ouvre les yeux, humide des émotions qui m’ont étreintes dans cette expérience hors du commun. Je suis complètement abasourdi par l’émotion, et je sens les premières questions qui pointent le bout de leur nez. Mais pour l’instant j’ai surtout envie de dormir. »
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