Tabac, nourriture, alcool, internet, sexe, achats, défonce par le sport… comment s’émanciper des addictions-compulsions par l’hypnose?
Article posté en 2017, toujours d’actualité 🙂
ADDICTIONS-COMPULSIONS?
L’addiction se définit comme la dépendance d’une personne à une substance ou à une activité génératrice de plaisir, dont elle ne peut plus se passer en dépit de sa propre volonté.
La compulsion peut se définir comme une impulsion irrésistible d’accomplir un acte irrationnel.
En y cédant, nous vivons une expérience qui modifie l’humeur, mais qui peut aussi avoir des conséquences graves. Le paradoxe est que la personne croit nécessaire à sa (sur)vie une substance ou une conduite qui peut mettre sa vie ou son équilibre en danger.
Evidemment, nous ne travaillons que sur les addictions-compulsions toxiques. Si une dépendance, un comportement ne vous apporte que du bien-être, foutez-lui la paix 🙂
Il en existe de nombreuses formes : alcool, tabac, nourriture, drogues, médicaments, dépendance affective, travail, sexe, jeux-vidéos, jeux en ligne, achats, jeu…
L’hypnose permet de comprendre les processus psychiques et comportementaux et de les transformer pour vivre librement.
Il existe de nombreuses façons d’aborder les addictions et compulsions par l’hypnose.
Dans cet article, je vous expose ma façon actuelle d’envisager ce travail hypnotique en 4 axes principaux:
- 1: Différencier l’identité (qui je suis) du le comportement (ce que je fais) pour dépasser le figement et mettre mes processus en mouvement
- 2: Décaler l’automatisme pour ouvrir le champ des possibles
- 3: Parler le langage intérieur pour communiquer avec moi-même en profondeur
- 4: Différencier l’intention positive (remplir un besoin) du comportement pour négocier des réparations, transformations, libérations, modérations…
Ces différents axes ne sont pas nécessairement envisagés dans l’ordre ni chacun dans une séance. Parfois, le travail se fait étape par étape et parfois de façon tellement symbolique qu’il est difficile de savoir exactement ce que les parties intérieures ont réalisé pour permettre le mouvement, la transformation et l’émancipation.
C’est un chemin à chaque fois différent puisqu’ajusté à chacun.e.
Un article plus court et spécifique à l’arrêt du tabac est disponible ici.
AXE 1: DIFFERENCIER L’IDENTITE ET LE COMPORTEMENT
S’émanciper demande une mise en mouvement.
Une fois que ce mouvement est initié, la transformation est possible. Oui, il est possible de changer la façon dont nous fonctionnons, nous pensons, nous réagissons, nous fuyons, nous nous cachons, nous nous papouillons, nous nous donnons du courage, nous nous défendons, nous cherchons à être accepté, nous affirmons notre loyauté…
Or, la croyance confuse qu’une personne, une action ou un objet fait partie intégrante de notre identité ou de notre survie empêche ce mouvement.
Etre dépendant à l’alcool, à la cigarette, au sport, au porno, au shopping, au sucré… ne définit pas l’identité de la personne. Le « je » est différent de la dépendance. L’individu n’est pas le comportement qu’il a.
En différenciant « qui je suis » du comportement, le changement peut commencer. Ca a déjà bougé!
A la maison, faites l’exercice plusieurs fois, des jours différents, les yeux fermés et téléphone éteint et notez ce qui vous est venu sans trier:
- Si mon « je » d’aujourd’hui rencontrait le « je » du dernier jour de ma vie, qu’est-ce que ce « je » qui se prépare à mourir désirerait que le « je » d’aujourd’hui change, là, maintenant?
- Imaginez votre double débarrassé de ce comportement, observez-le dans vos différents cercles sociaux, votre famille, votre vie sentimentale, votre boulot, vos passions, vos conversations… Qu’est-ce que cela modifierait dans votre vie?
En séance d’hypnose, de nombreuses techniques peuvent être envisagées si nécessaire pour valider cette étape. Un exemple parmi d’autres: la personne visite ses différents niveaux (technique de Robert Dilts) : son environnement, ses comportements, capacités, croyances et valeurs, son identité et ce qui la relie plus largement au monde ou à l’univers, que l’on peut appeler sa spiritualité.
AXE 2: DECALER L’AUTOMATISME
Quand un petit changement est opéré volontairement, le comportement automatique est légèrement décalé, ce qui ouvre d’autre possibles.
A la maison, au quotidien, forcez-vous à décaler votre façon de vous livrer à ce comportement. Accumulez les décalages jour après jour. Par exemple:
- fumez de l’autre main, changez de marque de produit, commencez par un aliment salé alors que vous grignotez sucré, changez la position de l’ordinateur et votre siège, votre propre position…
- attendez 3 minutes en regardant la cigarette, la bouteille, le gâteau le téléphone, la page d’accueil du site sur l’écran…, sans rien faire d’autre que d’observer ce qui se passe en vous
- triplez le comportement (si je fume, j’en fume 3, si je mange ce gâteau, j’en mange 3…)
- faites autre chose avant, comme boire un grand verre d’eau très lentement et laisser monter les images ou prendre des notes dans le carnet ou fermer les yeux et respirer à fond 6 fois ou…
Les façons de décaler les automatismes sont innombrables. Inventez-en, accumulez-les! Commencez une semaine avant votre rendez-vous et notez les effets dans votre carnet de l’axe 2. Ca a déjà commencé à changer…
En séance d’hypnose, ces légers changements seront amplifiés en accord avec les parties de vous qui réclament ce comportement pour l’intention positive (voir l’axe 4).
AXE 3: PARLER LE LANGAGE INTERIEUR
Notre façon d’envisager le monde est en très grande partie hors de portée de notre attention. Nous croyons « maitriser par la raison » ce que nous pensons, comment nous réagissons, alors que nous sommes constamment entrainés dans des patterns dont nous n’avons pas conscience (le fameux « c’est plus fort que moi »).
Et puisque nous projetons nos patterns sur le monde plutôt que de capturer « la vérité », autant le savoir et le faire exprès 🙂
Il est temps de parler le langage de l’imaginal pour communiquer avec notre monde intérieur, nos processus internes, ce qui définit notre subjectivité (ce que je pense, comment je juge, comment je réagis, mes dé-goûts, mes désirs, mes peurs…) et lui demander de se modifier.
Son langage est comparable à celui du rêve: images, sons, sensations corporelles, impressions, voix intérieure, lumière, chaleur-fraicheur, lourdeur-légèreté, représentations oniriques de personnages…
Si j’apprends à sentir le tout premier signe précurseur de ma compulsion arriver, il est encore temps de négocier, pendant que la spirale est encore trop menue pour m’emporter. Sinon, après, ce sera le grand huit…
Si j’établis peu à peu une communication fluide, mes dividus n’auront même plus besoin de mettre en marche la vrille, spirale ou aspirateur… Cela m’est d’ailleurs arrivé à de nombreuses reprises de travailler sur autre chose avec la personne accompagnée et de voir la compulsion s’arrêter toute seule.
A la maison, au coucher et au réveil du matin et/ou de sieste (avec prise de notes a posteriori des éléments principaux):
- gardez les yeux fermés et faites le tour de votre corps, en visitant sensoriellement les orteils, les pieds, les jambes… jusqu’au crâne. respirez amplement et laissez venir les images, sons, impressions, sensations, émotions tandis que votre attention reste fixée sur le corps, étape par étape. Si votre blabla intérieur de rumination ou d’analyse se met en route, baissez le son (avec le mouvement d’un doigt) et recentrez votre attention sur le corps, ici et maintenant. Lorsque le premier tour de visite, recommencez, cette fois en inspirant de l’amour et en l’expirant à l’intérieur. laissez les couleurs, les sensations agréable s’amplifier avec amour.
- regardez avec attention et précision (la fixation, avec corps immobile et concentration maximale est importante) un objet qui symbolise votre compulsion et posez-lui des questions comme « que désires-tu? », « as-tu quelque chose à m’envoyer comme message? », « de quoi as-tu besoin pour me libérer de ce qui me fait du mal? », « quand as-tu appris que c’était bien pour moi de faire ça? », « de quoi as-tu peur? » et laissez venir les images, sensations, émotions, souvenirs, voix… accueillez sans trier (et notez ensuite ce qui est venu).
En séance d’hypnose, vous aurez moultes occasions de communiquer avec votre imaginal. Vous verrez, on s’y fait très vite, c’est fantastique! Et cette communication peut être utile à de nombreuses occasions en dehors de ce que vous travaillez ici.
AXE 4: DIFFERENCIER L’INTENTION POSITIVE ET LE COMPORTEMENT
Pour Milton Erickson, qui a donné son nom à l’hypnose éricksonienne, il y a une intention positive derrière chaque partie qui nous constitue, partie que j’appelle « dividu« .
Le dividu, ce « quelque chose en moi », ce « c’est plus fort que moi », me pousse à fumer alors que je suis malade, à surfer sur le web pendant des heures alors que j’ai du travail, à engloutir des plaques de chocolat alors que j’aimerais perdre du poids, à me ronger les ongles alors que la vue de mes moignons me fait honte, à rester en relation avec une personne qui m’est toxique alors que je sais que je ne la/le changerai pas, à boire alors que plusieurs personnes dans ma famille sont mortes par l’alcool…
Le dividu a appris par l’expérience à réagir pour gérer les besoins, parfois de façon constructive, en phase avec ce que je désire vivre, et parfois en causant des dégâts . Dès lors, des comportements sont générés, qui ne sont pas toujours adaptés à la situation présente. Quand l’apprentissage est très précoce, sa logique est étonnante à découvrir.
Des exemples découverts sous hypnose? Un enfant (intérieur) prétendait être allergique aux passages cloutés car il avait éternué violemment en s’approchant de l’un d’eux (l’adulte, lui, faisait des tests d’allergie à la pollution, ne comprenant pas les réactions de son corps à différents trajets)… un autre voyait dans les sucreries le câlin maternel car la mère, très occupée par son magasin, donnait un bonbon à chaque manifestation de sa fille (l’adulte s’enfilait des tonnes de produits sucrés à la moindre contrariété)… un autre associait la cigarette au câlin car sa mère l’accueillait contre elle « le temps de sa clope »… un homme courrait tous les jours (sinon il se sentait super mal) pour évacuer l’angoisse mais aussi pour être prêt à échapper au danger lié à un trauma caché… une personne sex addict se protégeait d’établir une relation par peur de l’abandon.
Imaginez les liens surréalistes que vos dividus ont pu mettre en place comme des « solutions sûres », depuis toutes ces années sans vous mettre au courant consciemment!
De quoi avez-vous besoin? A quelles peurs ces besoins répondent-ils?
En état d’hypnose, il est possible de dialoguer avec les dividus et de négocier des transformations, tout d’abord en différenciant l’intention positive et le comportement.
Pour un même comportement, différentes intentions positives inconscientes peuvent être répertoriées. Il peut s’agir, par exemple, de trouver du réconfort, de se rassurer, de se concentrer, de vider une tension, d’appartenir à un groupe (loyauté familiale, appartenance au clan des fumeurs du bureau, ou à un groupe de potes…), de projeter une protection, de lâcher prise, de garder un positionnement (re)connu (« sans ce comportement, je ne me reconnais pas »), d’avoir de l’assurance, d’opérer une transition dans la journée, de rester fidèle à une personne avec qui une symbolique autour du comportement s’est créée ou tout simplement de faire une autre activité (association café-clope ou association after-coke, par exemple).
Ces bénéfices comblent des besoins, avant, pendant et/ou après, liés à des peurs. En les distinguant de la compulsion, une nouvelle étape est franchie: les besoins peuvent désormais être envisagés autrement.
Y a-t-il un problème de fond à régler (confiance en soi, stress, anxiété, peur du rejet, transformation d’un lien, ouverture à l’autre, rapport à l’appartenance familiale…) de façon à calmer ces besoins et ces peurs?
De nouveaux comportements peuvent-ils être adaptés à la fois aux besoins et au bien-être? Lorsque des alternatives qui peuvent satisfaire ces intentions sont installés, les comportements problématiques sont alors transformés en ressources puissantes.
A la maison, avant la première séance, écrivez un bilan personnel pendant au moins une semaine. Pour chaque occurrence du comportement dont vous désirez vous libérer (à chaque cigarette, crise de goinfrerie…).
- Heure, contexte, comportement (durée, intensité…)
- Qu’y a-t-il juste AVANT que je fume, grignote, me ronge les ongles, téléphone à une personne toxique pour la voir, …? quels sont les éléments de contexte? quelles sont mes actions? qu’est-ce que je me dis? qu’est-ce que je me dis que cela raconte sur moi-même? quelles sont mes émotions? comment est mon corps?
- Qu’y a-t-il juste PENDANT que je fume, grignote, me ronge les ongles, téléphone à une personne toxique pour la voir, …? quels sont les éléments de contexte? quelles sont mes actions? qu’est-ce que je me dis? qu’est-ce que je me dis que cela raconte sur moi-même? quelles sont mes émotions? comment est mon corps?
- Qu’y a-t-il juste APRES que je fume, grignote, me ronge les ongles, téléphone à une personne toxique pour la voir, …? quels sont les éléments de contexte? quelles sont mes actions? qu’est-ce que je me dis? qu’est-ce que je me dis que cela raconte sur moi-même? quelles sont mes émotions? comment est mon corps?
- Consciemment, qu’est-ce que ça m’apporte de positif? De quoi serais-je privé.e si je ne le faisais pas?
- Respirez très profondément 3X, les yeux fermés et accueillez sans trier les images, les mots, les sensations, les émotions… quand vous évoquez un comportement précis (ex: « j’ai avalé, jeudi soir, 3 tablettes de chocolat et deux paquets de gâteaux devant une série / 3 respirations très profondes / accueillir ce qui vient sur la dernière expire)
En séance d’hypnose, nous accueillerons les représentations de ce qui réclame à l’intérieur. A nouveau, de nombreuses techniques sont envisageables. Par exemple, celle de la négociation entre parties ou du rêve éveillé dirigé ou…
ET ALORS?
Certains hypnos vous proposeront des « protocoles », lus ou récités, qui travaillent sur le symptôme, en effaçant un mot dans le sable (le classique « cig – arrête »), en associant le dégoût et le comportement à éradiquer (pas de conciliation, là c’est du déblayage au bazooka), en insistant, sous hypnose, sur les dangers que vous fait courir votre comportement, etc. Je suis totalement opposée à ce genre de pratiques et ce pour différentes raisons:
- « l’effacement » du symptôme est violent pour vos parties intérieures car il est un signal et donc au lieu d’écouter vous le torpillez!
- si un signal est effacé, un autre va sans doute se mettre en place. Bâillonnez un être dans le besoin, il trouvera un autre moyens de se faire entendre et avec davantage de rage ou de désespoir. La prise de poids lors des arrêts du tabac en est un exemple habituel.
- une séance d’hypnose, c’est pour moi un accompagnement sur mesure, car je m’adapte instant après instant à ce qu’il se passe à l’intérieur de vous. Il m’est impossible de prévoir le temps et les techniques pour la simple raison que cela dépend de votre moi profond. C’est votre cheminement à vous et je vous accompagne, avec ma boite à outil bien remplie 🙂
Bref, nous travaillons, ensemble à dénouer, libérer, réorganiser, bouger, concilier vos représentations intérieures de façon à ce que votre façon de concevoir et de ressentir la vie soit constructive, en accord avec ce que vous désirez être.
Il n’y aura pas de baguette magique, mais bien une compréhension profonde (physique plus qu’intellectuelle) de la façon dont vous fonctionnez et des transformations à mettre en mouvement, selon vos objectifs.
A lire aussi:
- S’entendre avec son symptôme
- L’hypnose soulage les douleurs et gênes physiques
- Acouphènes?
- Epuisement
- Lâcher-prise / se prendre en main
- … baladez-vous dans les articles 🙂
© Marie Lisel
Témoignage d’arrêt du tabac
(avec permission de partage). Merci à l’autrice!
ECRASER LA DERNIERE CIGARETTE
« Je ne fumais plus depuis 10 ans, un jour de novembre, sans réfléchir, je suis entrée dans un bureau de tabac, j’ai acheté un paquet et j’ai recommencé comme si je n’avais jamais arrêté. Les mêmes habitudes, les mêmes gestes, les mêmes moments, un paquet par jour immédiatement.
C’était un désespoir, c’était incompréhensible. Je ressentais cela comme une terrible trahison à l’égard d’une personne que j’aime et qui m’avait convaincu d’arrêter, mais aussi à l’égard de moi-même.
Lors des deux séances que j’ai réalisées avec Marie, je n’ai pratiquement pas parlé de cigarettes. Arrêté de fumer était le cadre de départ mais c’est de toutes autres choses dont il a été question, de ma vie, des êtres que j’aime, de ceux qui ont disparu. J’ai parcouru en hypnose une ancienne imprimerie abandonnée remplie de meubles en bois avec des casiers. J’en ai ouvert quelques-uns, j’y ai trouvé les photos de ces personnes qui comptent ou ont compté pour moi. Derrière chaque photo un message.
Ce qui est formidable c’est qu’après cette séance, dans les jours qui ont suivi, tous ces symboles, ces rencontres en hypnose ont trouvé une signification. J’ai pu me réapproprier l’arrêt du tabac, réaffirmer en tant que femme adulte et indépendante mon choix de ne plus fumer au-delà de la promesse que j’avais pu prononcer 10 ans auparavant.
Et puis des évènements plus profonds, enfouis très loin, ont émergés. J’ai pu clore symboliquement une relation qui continuait de m’empoisonner l’esprit sans que je m’en rende compte, j’ai pu exprimer ma colère, soutenir et consoler la jeune femme de l’époque qui avait dû fuir et continuait de se sentir honteuse de n’avoir pu faire face.
Je suis sorti apaisée de ces deux séances, ne plus fumer était à nouveau une chose évidente. Avec l’aide de Marie, j’ai ouvert de nouveaux horizons, réinterprété le passé, fait connaissance aussi avec une de mes entités qu’il allait falloir apprivoiser… mais ça c’est une autre histoire. »
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